J'ai pas les mots. Je les ai plus. Comme si j'avais dépassé mon quota ou que j'avais oublié de renouveler mon abonnement. Voilà c'est ça : j'ai plus de crédit de mots. Le sablier est retourné et il ne reste que quelques grains dans la capsule du haut. Et ça tombe, ça tombe, ... Bientôt elle sera vide.
Je m'enmure dans un silence de papier. Les mots je peux les lire, les entendre, les comprendre. Mais de ma bouche et de mes doigts ils ne sortent pas. J'en ai juste assez pour prétendre. Juste assez pour mon semblant de vie social. Mais dés que je voudraid partager, ça reste bloquer dans la gorge dans les plis et replis de mon cerveau. Alors je me tais. Cat, Sandy, Lilie, je voudrais vous parler, rire avec vous, délirer, mais je ne peux pas. Et ça me brûle à l'interieur. Tout ce vide et ce trop plein d'émotions. Trop et pas assez pour partager. C'est un peu comme si je me noyais. Alors je dérive et je pense à cette chanson de Goldman "La vie par procuration". Lui il a les mots. Parce qu'elle c'est moi.
Elle met du vieux pain sur son balcon
Pour attirer les moineaux, les pigeons
Elle vit sa vie par procuration
Devant son poste de télévision
Levée sans réveil
Avec le soleil
Sans bruit, sans angoisse
La journée se passe
Repasser, poussière
Y'a toujours à faire
Repas solitaires
En points de repère
La maison si nette
Qu'elle en est suspecte
Comme tous ces endroits
Où l'on ne vit pas
Les êtres ont cédé
Perdu la bagarre
Les choses ont gagné
C'est leur territoire
Le temps qui nous casse
Ne la change pas
Les vivants se fanent
Mais les ombres, pas
Tout va, tout fonctionne
Sans but, sans pourquoi
D'hiver en automne
Ni fièvre, ni froid
Elle met du vieux pain sur son balcon
Pour attirer les moineaux, les pigeons
Elle vit sa vie par procuration
Devant son poste de télévision
Elle apprend dans la presse à scandale
La vie des autres qui s'étale
Mais finalement, de moins pire en banal
Elle finira par trouver ça normal
Elle met du vieux pain sur son balcon
Pour attirer les moineaux, les pigeons
Des crèmes et des bains
Qui font la peau douce
Mais ça fait bien loin
Que personne ne la touche
Des mois, des années
Sans personne à aimer
Et jour après jour
L'oubli de l'amour
Ses rêves et désirs
Si sages et possibles
Sans cri, sans délire
Sans inadmissible
Sur dix ou vingt pages
De photos banales
Bilan sans mystère
D'années sans lumière