Senteurs
Chacun son truc pour se souvenir. Proust avait sa madeleine, Chateaubriand le chant d'une grive et moi, j'ai les senteurs. Tout comme le grenouille de Süskind, elles renferment tout un tas d'images de mon enfance
L'odeur de pomme me rappelle la compote de ma mamie. Sans colorant ni conservateur. Celle faite maison avec les fruits du jardin, que mon papi était allé ramasser avant ça et avait laissé mûrir dans une corbeille, posée sur la table de la cuisine
Cette senteur appelle celle de la cannelle. Douce mélodie épicée. Mezzo voce, quand elle se trouve encore dans son pot, elle devient plus forte que tous les orchestres du monde au contact du fruit chaud. Accompagné de quelques galettes bretonnes, ça reste l'un des meilleurs desserts, que j'ai goûté
Quant à celle du chocolat, elle et mon péché mignon. Rien que de l'humer, j'en sens déjà le goût dans ma bouche. Je peux presque entendre le carreau craquer sous mes dents et le sentir fondre sur ma langue. C'est l'éternel goûter. La barre entre deux tranche de pain après l'école ou encore le bol de chocolat chaud en revenant du ski.
Cette odeur m'est aussi plaisante, que celle du pop-corn. C'est le cinoch, la salle obscure et la main qui plonge dans le paquet, en tentant de faire le moins de bruit possible, tout en sachant qu'elle n'y arrivera pas. C'est James Bond et ses innombrables gadgets et poursuites de voitures. C'est le cri de surprise contenu. L'attente d'un baiser du héro à sa belle. La musique d'un disney. Un éclat de rire partagé
C'est la cannette de coca, pour se rafraîchir, qui s'ouvre dans un "pschitt" gracieux, et que l'on avale goulûment, avant qu'il ne soit plus frais et qu'il est perdu toutes ses bulles.
C'est le distributeur de chewing-gum plein de boules multicolores, qui fait tant rêver qu'en on est gosse. Et ce n'est que plus tard, quand on a bien grandi, que l'on se rend compte de leur horrible goût chimique. Mais l'odeur et le rêve reste
Bien différente, celle plus naturelle de l'orange, quand on l'épluche, parait s'accrocher aux doigts, comme si elle se glissait dans chaque pores de notre peau. Et posées sur un radiateurs, ses épluches diffusent leur odeur musquée encore longtemps après
Il y a aussi celle de la menthe poivrée, qui pousse à côté de la porte de la cuisine de notre maison de vacance familiale, et qui vient ajouté sa petite touche à nos taboulés estivaux. C'est la plage, la mer et les pique-niques
Ou encore la lavande, que l'on coupe en été, et que l'on tresse ou égraine dans de petit sac fleuris. Enfermés dans nos placards, enfouis sous une pile de vêtements, ils continuent de nous faire vivre la belle saison, du bout d'une chaussette à un bandeau de ski, même au plein coeur de l'hiver.
Il y a aussi la noix de coco, odeur discrète, presque inexistante. Mais aspergée sur un poignet, elle évoque les tropiques, le voyage, l'évasion, ...
Il y a tant et tant de senteurs que je pourrais te conter. Tant de souvenirs et de plaisirs minuscules auxquels elles sont raccrochées. Cachées dans les plis et replis de mon cerveau, elles sont ma mémoire, mon passé, mon âme. Elles sont des millions, mais je te rassure : il y a bien encore assez de place pour la tienne et des milliards d'autres
écrit le 30/07/04